par Bernard Cauquil, association CAMINS, chemins anciens du Minervois
Capestang et le camin romieu
Par sa situation entre les lagunes proches de la Méditerranée et les collines du piémont du Massif Central, Capestang constitue un lieu de passage
privilégié.
Si notre cité est aujourd’hui traversée par une modeste départementale, l’histoire de cette voie est plusieurs fois millénaire.
Son itinéraire, passage obligé pour traverser d’est en ouest le continent, est connu depuis la préhistoire.Il a permis à notre cité
de se construire autour de la légende d’un des plus grands itinéraires.
Ainsi Héraclès (Hercule), au cours d’un de ses douze travaux, a du contourner les étangs pour rejoindre l’Espagne et débarrasser les rives du Guadalquivir de
Geryon, un géant malfaisant.
La voie héracléenne constituera un itinéraire connu depuis 4000 ans!(1)
Plus près de nous, vers le VIIème siècle avant notre ère, les grecs, intéressés par l'étain de Cornouailles dans l'ouest de l'Angleterre, utiliseront cet
axe de commerce.
Leur port en Languedoc, Agde, déterminera aussi cette voie de passage vers l'ouest. Elle est déjà connue dans l’histoire depuis au moins l’âge du bronze grâce
aux nombreuses nécropoles et habitats qui la côtoient.(2)
Cette voie constitue un lieu d'échanges importants avec les peuples méditerranéens: de nombreux vestiges phéniciens, étrusques, grecs, retrouvés sur notre
terroir, témoignent de leurs influences sur la culture indigène.(3)
L’arrivée des romains et la création de la Via Domitia ( Ier siècle avant notre ère) ouvre un passage à travers les étangs vers
Narbo Martius (Narbonne), capitale de la Province, pour joindre le sud et la péninsule ibérique.
Pour autant Capestang occupe toujours une place privilégiée sur la Via Tolosana, grande voie de circulation est-ouest parallèle
à la nouvelle Via Aquitania qui joint aussi Toulouse depuis la création romaine de Narbonne .
Cette via Tolosana fut aussi empruntée dès le IVe siècle de notre ère par les pèlerins se rendant à Rome devenue pôle de la
chrétienté sous le règne de l’empereur Constantin.
C’est à partir de cette date que cette voie sera dénommée populairement camin romieu, signifiant chemin des pèlerins en langue
occitane dont elle constitue le plus vieux monument.
Aux environs de l’an mille elle sera aussi empruntée par les pèlerins se rendant à Compostelle en Galice au Nord-Ouest de l’Espagne.
Ses aménagements successifs la feront se dénommer officiellement Grand Chemin puis Chemin
Royal au XVIIIe siècle et, plus près de nous dans des dénominations plus administratives (D11).
Pour les habitants de la région elle s’appelle la Minervoise, traversant l’appellation aux vins réputés.
Pour autant la tradition orale, la toponymie et le cadastre ancien (compoix) ont conservé jusqu’à nous le souvenir,et ce depuis plus
de 1500 ans, de son appellation «camin romieu» .
Capestang recèle d’importants vestiges de ce chemin au travers de lieux-dits évoquant leurs possessions par des ordres hospitaliers dont le but est ici de
recevoir et soigner les voyageurs, les pèlerins, les pauvres et les malades: la Commanderie, L’espitalet (l’hôpital), Saint-Jaume. (4)
Notre cité possède aussi un monument très rare à travers l’hôpital Saint-Jacques dont la première mention apparaît en
1180 ainsi que de nombreuses archives liées à son histoire.(5)
Son emplacement et son patronage sur un axe de communication majeur dénommé «camin romieu» ainsi que ses dépendances (terres,
donations, reconnaissances...) conforte cet établissement dans sa mission d’accueil sur un itinéraire de pèlerinage.
De nombreux récits de voyages, tels ceux de Jean De Tournai en 1488 ou de Herman Künig Von Vach en 1495, inscrivent d’ailleurs Capestang comme une halte sur
leur chemin vers Compostelle.(6)
Aujourd’hui ce camin romieu, après plus de 1500 ans d’usage, reprend vie à travers un sentier de Grande Randonnée (GR 78): le Chemin des Piémonts. En cours d’agrément par la Fédération de Randonnée Pédestre, cet itinéraire venant d’Arles joindra, à terme, Montpellier
à Capestang.
Depuis l’année 2020 ce Chemin des Piémonts est homologué et balisé depuis Capestang jusqu’à Saint-Jean Pied-de-Port dans les Pyrénées-Atlantiques d’où l’on peut rejoindre Saint-Jacques de Compostelle en Espagne.
Vous pouvez aujourd’hui l’emprunter au plus près de la voie historique dont quelques portions subsistent à Pouzols-Minervois et Laure-Minervois (portions
cadastrées chemin des romains et chemin des romieux)
Comme des pèlerins, vous traverserez les nombreux villages du Minervois héraultais puis audois dont les vestiges romans, témoins de ce chemin millénaire,vous
attendent.
Bibliographie
(1) Pierre A.Clément La Via Domitia Éditions Ouest France 2005
(2) Daniela Ugolini, Christian Olive, De l’arrivée à la consommation: l’impact des trafics et des produits étrusques en Languedoc Occidental, 2006,(page 9,
29)
(3) Deux tombes de chefs à Mailhac (Aude) Odette et Jean Taffanel 1960 Gallia p 37
(4) L'intérêt géographique des minutes notariales, des terriers et des compoix. Un exemple
,Max Derruau Revue de Géographie Alpine, Année 1946
34-3 pp. 355-380
(5) Histoire générale du Languedoc Volume 3, Livre 19 page 25
(6) Henri Bautier,les routes médiévales, Histoire et Philologie,1961