par Philippe Barjaud & Christine Espallargas-Moretti
Une école publique, pour les filles et les garçons sans distinction, quoi de plus normal ? Eh bien, il n’en a pas toujours été ainsi pour les demoiselles… Petit retour en arrière, il y a deux siècles. À cette époque, l’instruction est assurée par les religieux, au sein d’écoles dites congréganistes. Et elle n’est ni obligatoire, ni gratuite !
Le 3 novembre 1833, la loi Guizot du 28 juin 1833 sur l'instruction primaire imposant aux communes de plus de 500 habitants de financer une école de garçons, le Conseil municipal nomme un instituteur communal. Trois ans plus tard, la loi est étendue aux écoles de filles, mais sans obligation communale… ah bon ? Eh bien, elle attendront…
Pour l’instant, certaines jeunes capestanaises sont instruites à l’hospice, au milieu des malades, par une sœur, à qui le Conseil finit par accorder une rémunération le 24 septembre 1837. Mais ce n’est que le 19 novembre 1865, 15 ans après la loi Falloux de 1850, que le Conseil décide de créer une école communale gratuite de filles. Écoutons plutôt le maire, Joseph Castres :
« La commune de Capestang étant privée d’une école publique de filles, et l’importance de notre localité s’accroissant annuellement, il devient important de s’occuper sérieusement de l’établissement d’une école où les jeunes filles reçoivent l’instruction dont le besoin se fait généralement sentir. J’ai l’honneur de vous proposer d’établir cette école dans les vastes locaux du bureau de bienfaisance (= l’Hospice) où les enfants trouveront les conditions d’installation favorables à leur développement moral et intellectuel. Je vous propose en même temps de confier la direction de cette école à une sœur de la Charité de St-Vincent de Paul. »
Une sœur, car sous le second Empire, on ne parle pas encore de laïcité… Le même jour, le Conseil décide la construction d’une nouvelle école de garçons, ce sera place de Saïsses, sur le terrain de M. de Gineste. Mais pendant encore 15 ans, l’enseignement des filles se fait toujours à l’Hospice, dans des conditions déplorables d’espace et de salubrité. Plus de 20 délibérations retracent les atermoiements du projet de nouvelle école, entre manque d’argent, refus des autorités, changements de localisation, la mairie en 1871, maison de Gineste en 1874, de Martial Villebrun en 1878, et enfin celle de Vidal de Guéry en 1880, juste avant les lois Jules Ferry de 1881 et 1882, instaurant l’instruction publique gratuite et obligatoire. Nouveau déménagement en 1895, dans l’école des garçons (l’actuelle école maternelle), qui, eux, emménagent dans leur nouvelle école, avenue de la République.
Enfin, les capestanaises ont leur école bien à elles, au bout de 60 ans de tribulations !
Le dernier épisode de cette « aventure » se situe le 12 janvier 1972, quand le maire, Fernand Vidal, expose au Conseil que de récentes instructions permettent d’affecter indifféremment des instituteurs ou des institutrices dans toutes les écoles, à l’exception des maternelles. Désormais, les écoles de filles et de garçons deviendront mixtes, abolissant définitivement la différence de traitement entre écolières et écoliers.
Même si, pendant un moment encore, la cour de récréation sera symboliquement séparée en deux, à droite les filles, à gauche les garçons !
Sources :
Archives départementales de l’Hérault, dépositaire des archives communales
Photo : collection particulière RC