· 

Au cœur de la cave coopérative de Capestang : vendanges 1960, cuvée 1961

par Robert Amiel


 

Les vendanges étaient le cœur – les poumons étaient la vie des viticulteurs – la « coopé » c’était CAPESTANG. Tous les Capestanais n’avaient pas intégré la cave. C’était des partiels qui avaient acheté un certain nombre de parts de cave. Pour dire, ils ne rentraient à la coopé qu’une partie de leur récolte. C’était toléré à l’époque. C’était bien ou pas chacun appréciera leur décision… les parts de cave étaient achetées en fonction de l’évaluation des récoltes estimées sur leurs tènements.    

 

Peut-être fallait-il faire venir Michel SARDOU à la place de Serge LAMA (et OUI) pour qu’il nous chante sur les paroles du FRANCE la fin programmée « du bateau rouge ancré aux Auberges et aux quatre routes ».

 

A l’extérieur

 

Le village était en ébullition ! La coopé allait ouvrir. Les bascules pour les pesées étaient prêtes à accueillir les charrettes, les tracteurs, les camionnettes. La bascule du plein était tenue par Olivier SOL. Il était impressionnant sur son vélo à une pédale quand il arrivait à la cave : quelle adresse. C’est lui le premier qui accueillait le voyage avec les « cémals » pleines et s’immobilisait sur la bascule. Il demandait le n° du coopérateur, il l’enregistrait sur un carton, il l’introduisait dans le compteur de la bascule qui indiquait le poids. Ensuite direction le quai, marche arrière, les videurs attendaient les cémals que le propriétaire amenait au « cul » de la charrette et à deux ils vidaient le contenu de la cémal dans le fouloir. Dans le même temps il remettait le carton à la personne (M.CAUVEL) pour qu’il note le degré du mou de raisin qui était récupéré du début jusqu’à la fin du déchargement des cémals dans un petit récipient. Dans une lunette (moustimètre) une goutte sur la languette, il fermait le clapet il le portait à l’œil. Avec la clarté du jour il lisait le degré qu’il notait sur le carton. Puis le départ vers la bascule du vide avec le fameux carton. Après s’être immobilisé sur la bascule, j’introduisais le carton dans le compteur qui enregistrait le poids vide en dessous du poids plein. Le charrieur regardait le carton, il savait à peu près le poids du raisin apporté et surtout son degré. Il repartait rejoindre la colle pour effectuer un prochain voyage. On gardait le feuillet qui était imprimé en même temps que le carton pour l’administration.

 

Et que dire de l’attente des charrettes, camionnettes et tracteurs sur la route en attendant leur tour pour vider, surtout le dimanche. Que dire également de l’impatience de certains charrieurs avec leur camionnette :  Il arrivait qu’ils laissent les cémals en bordure de route pour vite aller chercher un autre chargement chez un autre viticulteur.                                                      

 

A l’intérieur

 

Les raisins après être passés dans les fouloirs, étaient acheminés dans un grand bassin. De là ils étaient aspirés à l’aide d’une puissante pompe dans les cuves (tines).  C’était un tube environ de 30 cm qui aspirait le raisin pour l’amener au 1er étage. Il traversait en hauteur le hall de la cave. Au premier il y avait une bifurcation en Y équipée de tubes de plus petites dimensions avec chacun une vanne qui alimentaient le haut des cuves de chaque côté de l’allée.  La manutention était simple. Quand le bassin se remplissait petit à petit M. CAUVEL enclenchait la pompe. Le Y était positionné pour diriger le raisin vers la cuve sélectionnée. Lorsque la cuve était aux ¾ pleine on informait M. CAUVEL d’arrêter la pompe. On inversait alors le Y et le raisin partait de l’autre côté dans une autre cuve. Il fallait siffler fort afin de l’informer pour l’arrêt car c’était très bruyant. Dans la cuve on versait de la « Littorale « (souffre) pour préserver le contenu et l’on entendait la fermentation. La fermentation terminée on intervenait au sol. On installait un bac près de la cuve équipée de 2 sorties distantes de 1 m en hauteur pour ouvrir et fermer. Celle du bas était équipée d’une vanne avec une sortie de 10 cm et un arrêt en Y. On installait auprès du bac une pompe aspirante qui allait envoyer le vin dans une cuve dont la trappe avait été suiffée par le chef de cave. On ouvrait la vanne du bas, le mou coulait avec un peu de grains de raisin. La sortie de la vanne était équipée d’un tamis amovible pour filtrer. Une fois que le passage était fait, le mou coulait lentement et la pompe faisait le reste. La fin du pompage était terminée. On ouvrait la trappe pour aérer la cuve. Le marc était déposé au fond de celle-ci. Après l’avoir bien aérée, on amenait le pressoir continu que l’on positionnait devant la trappe.  La ventilation terminée, un employé rentrait à l’intérieur pour envoyer par la trappe, à l’aide d’une fourche, le marc dans le pressoir. C’était un travail qui était pris à forfait et cette année-là, c’était la famille GOMEZ qui s’était proposée. Le marc était entreposé avant d’être acheminé à la distillerie. Le vin de presse était stocké dans une cuve (champot).

 

Il ne fallait pas être gros pour passer par la trappe et à l’intérieur la tenue imposée était celle d’un mois d’août à la mer….

 

La fin des vendanges

 

Tout le matériel était stocké minutieusement, les pressoirs étaient nettoyés, les manches alignées, la cave retrouvait son calme. Ensuite il fallait laisser faire le temps…

 

On préparait alors la cuve destinée au vin fin. On installait à nouveau la pompe devant la cuve pleine et là on utilisait la vanne du haut. Le vin fin coulait dans le bac. Le pompage une fois terminé, on s’occupait de la vanne du bas ; même disposition mais avec une pompe différente. Il fallait ensuite pomper la lie pour l’envoyer dans des cuves réservées pour qu’ensuite elle soit acheminée vers la distillerie. Le marc du raisin prenait la même direction.  Ensuite on rentrait à l’intérieur de la cuve pour la nettoyer et la préparer pour un nouveau vin fin.   

 

Ensuite l’administratif prenait la relève : déclaration de récolte (nombre d’hectolitres, degré de la cave, élévation de la buvette avec le carnet). La buvette se passait le samedi-après-midi. Le matin était consacré à l’entretien de la cave : rangement du matériel et nettoyage des allées à grande eau. A 14 heures les coopérateurs arrivaient. Les uns avec leur carriole, d’autres avec camionnettes ou voitures. Des brouettes étaient à leur disposition pour transporter leur bonbonne dans la cave. Ils se dirigeaient vers la bascule où le chef de cave les attendait pesée à vide, inscription sur le tableau et sur papier, puis direction les cuves sélectionnées rouge ou rosé pour le remplissage. Une petite anecdote : sur la trappe de la cuve il y avait un verre. Certains avant de faire remplir leur contenant, voulaient goûter le produit. Ils le trouvaient toujours bon. C’était peut-être qu’ils avaient soif… Puis retour à la bascule pour la pesée. Le chef de cave inscrivait sur un papier le nombre de litres. Direction le bureau pour établir l’acquis pour le transport (numéro minéralogique obligatoire lorsque le coopérateur venait en voiture). La buvette fermait à 17h30.

 

Pour la vente du vin, les négociants venaient à la cave car ils avaient une demande d’achat. Ils prélevaient des échantillons. Ensuite s’ils étaient satisfaits, ils faisaient une proposition pour un certain nombre d’hectolitres accompagnée d’un prix. L’information était transmise dans Capestang par haut-parleur situé en haut du clocher. Les coopérateurs intéressés « descendaient » à la coopé pour signer la vente d’une partie ou de la totalité de leur récolte.

 

A la fin de la période de vente, l’administration de la coopé annonçait la ristourne. Il s’agissait du solde qui revenait à chaque coopérateur une fois déduits les frais de fonctionnement (salaires des employés, achat ou maintenance du matériel, électricité, eau, etc…). Selon le montant de ces frais estimés dans le budget prévisionnel, le coopérateur recevait sa ristourne.

… Voilà la fin de l’histoire de l’année 60/61. J’espère que ces détails n’auront pas ennuyé les lecteurs. Ceux qui ont vécu ces moments pendant toutes ces années diront « C’est vrai ! »

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    Bounhoure (lundi, 23 mai 2022 14:19)

    Merci beaucoup pour votre texte on comprend mieux ceux qui ont vécu toute cette époque. Un régal de vous lire