par Paul Albert
A Capestang, les 20 et 21 juin, le cinquantenaire de l’école laïque a été souhaité avec ferveur et solennité. Décidemment, l’enthousiasme des « hussards noirs de la République » n’est
pas retombé. Des festivités
auxquelles toutes les générations ont été associées, ont célébré cette conquête républicaine avec éclat.
Bals, tour de ville, chants, saynètes, discours, l’harmonie municipale encadrant les prestations des élèves, ces deux journées ont été préparées de longue date.
Ce n’est pas une surprise, à chaque consultation électorale, le Biterrois manifeste son attachement à la République. On peut cependant penser que Capestang y met un soin particulier.
Pierre Metge, directeur de l’école de garçons, est à l’évidence, l’organisateur de ces journées. C’est un militant des droits de l’homme, franc-maçon, président des Jeunesses laïques républicaines de l’Hérault. Un homme public. Le 28 mai 1933, il organisera un meeting de soutien aux ouvriers agricoles en grève depuis le 16 avril et dont certains viennent d’être emprisonnés.
En 1939, il se démènera pour venir en aide aux réfugiés de la Retirada. Il accueillera une famille chez lui, à Capestang ; mais surtout avec l’aide de son frère et de son épouse, enseignante comme lui, il mettra à leur disposition, la colonie de vacance des « lutins cévenols » à St Bauzille de Putois. Jusqu’à 235 réfugiés y seront hébergés malgré l’hostilité de la municipalité et d’une partie de la population.
Le lecteur du programme, aujourd’hui, est un peu perdu. Pas en raison de l’existence d’une école de filles et d’une école de garçons, la mixité n’a été généralisée à l’école élémentaire que bien plus tard, mais ces classes, énumérées de la 7ème à la 1ère, ont quelque chose de mystérieux. Où sont donc les CP, CE1, CE2, CM1, CM2 auxquels nous sommes habitués ?
En 1931, l’enseignement est obligatoire jusqu’à 13 ans, année du certificat d’étude. Pour y parvenir, le passage en école « primaire » est donc plus long qu’aujourd’hui. Il dure 7 ans avec à l’issue de l’équivalent de notre CM2, deux ans d’études supplémentaires pour préparer le précieux diplôme. Parce que l’obtenir n’est pas chose facile !
Pour l’essentiel, l’examen est demeuré conforme aux consignes du temps de Jules Ferry. L’inspecteur d’académie est chargé de l’organiser dans chaque département. Les épreuves se déroulent au chef-lieu de canton sous l’égide d’une commission cantonale composée d’instituteurs et présidée par un inspecteur primaire.
Les candidats subissent d’abord un écrit avec :
- Une dictée (15 lignes) suivie de 5 questions. Notons que la dictée sert aussi d’épreuve d’écriture.
- Deux questions d’arithmétique avec solutions raisonnées.
- Une rédaction portant soit sur l’instruction morale ou civique, soit sur l’histoire-géographie, soit sur des notions de sciences
Pour les garçons dans le monde rural, une ou plusieurs questions sur l’agriculture ; en ville, un dessin ; pour les filles, un travail de couture.
L’oral consiste en une lecture expliquée suivie d’une récitation à partir d’une liste fournie par le candidat, puis des questions d’histoire-géographie.
A la lecture, tout cela nous semble plus vieillot que difficile. Méfions-nous cependant !
Il n’est pas seulement nécessaire d’avoir la moyenne à l’écrit pour candidater à l’oral. Un zéro en dictée ou en arithmétique est éliminatoire. Or, 5 fautes en dictée suffisent pour avoir zéro !
De quoi en faire réfléchir plus d’un aujourd’hui. Ce n’est pas un examen facile !
Parce qu’ils sont jugés sur le taux de réussite de leurs élèves, les instituteurs ne présentent à l’épreuve que les meilleurs d’entre eux !
En conséquence, au niveau national, jusqu’en 1900, 25 à 30% des élèves, seulement, sortaient du primaire avec le diplôme. Ils étaient 35% en 1920 et seront à peine 50% à la veille de la guerre !. .
Depuis la fin du XIXème siècle, le certificat fait d’ailleurs l’objet d’un débat. Doit-il servir à dégager une élite ou être la simple reconnaissance de la fin d’un cursus scolaire ?
Le programme indique aussi que les élèves du cours complémentaire participent à la fête. Pour les lecteurs les plus jeunes, cela mérite une explication. Certaines écoles, dont l’école de garçons de Capestang, offrent la possibilité de poursuivre les études après le certificat. Il s’agit d’un « complément » à l’enseignement primaire élémentaire, qualifié de primaire supérieur et qui demeure confié aux instituteurs. Au bout de 3 années, mais en 1931 encore, beaucoup ne vont pas jusque- là, il permet d’obtenir le brevet élémentaire de l’enseignement primaire. Certains, parmi les meilleurs, poursuivront en Ecole Normale, jusqu’au Brevet Supérieur leur donnant accès au métier d’instituteur. Il est toutefois encore possible de devenir instituteur suppléant avec le seul brevet élémentaire avec la perspective d’être titularisé un jour. Notons que, s’il est de qualité, cet enseignement est réservé au peuple. Pour l’instant, seules les classes favorisées peuvent bénéficier de l’enseignement secondaire dans un lycée ou dans un collège et à fortiori, entrer à l’Université. Jusqu’en 1924, les lycées de jeunes filles eux même ne permettaient pas d’obtenir le baccalauréat, mais le brevet !
Les beaux jardiniers à l’école maternelle.
Beaucoup reconnaitront au fond, les murs de ce qui est devenu aujourd’hui, l’école de musique. D’autres y retrouveront leurs parents ou leurs grands- parents. Puisqu’un photographe professionnel avait été convié à ces journées historiques, d’autres clichés de ce type doivent exister. A vos albums…
Nous nous contenterons de vous signaler la présence de trois futurs martyrs de Fontjun : Guy Bourdel et Louis Baïsse au centre ; Henri Massat à l’extrême droite.