par Jacques Chamayou
Boussague. C’est ainsi que l’on nomme la famille Boussagol depuis des lustres et des lustres à Capestang. Jean-Pierre s’en est allé voici quelques jours depuis le domaine de Saint-Jean-de-Conques où il résidait. Au milieu des vignes. Les vignes. De sacrées racines que l’on se transmet de père en fils dans la famille. Mais le travail viticole n’est pas la seule chose que l’on a à cœur d’entretenir chez les Boussagol. En effet quatre générations de rugbymen ont traversé le XXème pour croquer ardemment dans l’ovale encore après l’an 2000. Un cas rarissime.
Songez que Joseph, le père de Jean-Pierre faisait déjà mordre la poussière aux adversaires des jeunes capestanais au début des années 20 au sein d’un groupe qui dessinait les contours du futur Avenir Sportif Capestanais. Ensuite il devint champion du … Maroc. Inter régiments !
JP, naturellement chaussa les crampons dès qu’il fut en âge de se mêler aux « grands ». Né en 1930, il avait tout juste vingt ans lorsqu’il devint champion de France avec la bande de René Baube, contre Aix-les-Bains sur le terrain de Chateaurenard. Plus tard il surprit tout son monde en signant durant une ou deux saisons à XIII. Argeliers XIII. Un autre monde à seulement quelques kilomètres de la rue Henri Caille, où est sise la maison familiale. En 56, il rejoignit ses copains Maurice Rigal, Robert Roustit et Georges Salsé à Sète. Le directeur de l’entreprise Saint-Raphaël avait recruté les meilleurs joueurs de la région. Les cartons du célèbre apéritif empruntaient régulièrement la route vers l’ouest du département. En 56 ... aussi, il joua la finale nationale contre les landais de Parentis. Oui… vous aurez compris… Les landais avaient eu vent que leur adversaire languedocien n’était pas tout à fait en règle d’un point de vue des licences présentées sur la feuille de match. Allez, hop ! Photos aux côtés de l’arbitre. Cinq par cinq. De face, puis de dos pour vérifier la concordance entre les visages (étonnamment sereins et rayonnants), les photos d’identité rivées sur les licences et les dossards. Il s’est murmuré au sein des supporters surpris par cette étrange mise en scène, que sur quinze, un « petit » tiers était passé entre les mains du faussaire en chef capestanais. Mais ne faisons pas les effarouchés. Chaque club avait le sien … propre. C’était de bonne guerre. Et il a fallu qu’intervienne le régime draconien des assurances pour que cesse une pratique répandue au moins dans tout le sud du pays… C’est-à-dire la zone où se concentraient 95% des clubs.
Mais revenons à la famille Boussagol. François-Régis encore plus précoce que son père, remporta le planchot en 82 contre Riscle à Blagnac. Il avait tout juste dix-huit ans. Beaucoup de similitudes entre le père et le fils. Vivacité, culot ballon en main, hargne défensive et un certain type d’interventions qui demandaient à leurs partenaires d’être toujours prêts au soutien quels que soient les axes de courses changeants qui zébraient le terrain.
Louis puis Aymeric, concernant la quatrième génération, ont aussi à partir des juniors du club pu s’exprimer ballon en mains, notamment en compétitions scolaire et universitaire où ils ont conquis également des titres nationaux. Sans oublier Roxane, leur sœur, passionnée d’équitation, championne de France Cadettes et finaliste de la coupe d’Europe des clubs en horse-ball avec Creissan.
… Oui, Jean-Pierre était un fonceur sur les terrains comme dans sa vie professionnelle. Mais pas seulement … Quelques anecdotes croustillantes soulignent sa propension à toujours relever des défis. Que n’ont-ils bravé comme dangers avec son copain Jeannot Cabrol en particulier dans l’étang. Gancher avec précipitation sur le negofol à la poursuite d’un pauvre canard isolé, au risque de chavirer… Passer la nuit tout trempés dans le gabion … comme cette fois où tirant la frêle embarcation sur une bonne couche de glace pour se rendre à l’affût, une partie du canalet moins gelée, céda sous les bottes de Jean-Pierre…
Briser la glace … Il était un spécialiste en la matière. Sa faconde, sa spontanéité dans les relations humaines faisaient qu’il ne laissait jamais insensible son entourage et au-delà, tous ses interlocuteurs.
Sur le terrain ses crochets faisaient merveille. Dans la vie la ligne droite était son meilleur atout.