par Jacques Chamayou
Quel contre-pied éclair tu nous as décoché là, Gilles… A nous tous tes copains du rugby. Toi qui jusqu’à tes dernières heures, es resté très averti et passionné par ce jeu à travers lequel tu as croisé tant et tant de joueurs. Depuis l’Ecole de Rugby ici à Capestang, puis à Béziers en cadets où avec trois autres jeunes capestanais vous avez disputé la finale nationale au Parc des Princes contre Toulon. C’était en ouverture du fameux Béziers-Narbonne de 74. Ensuite à Vendres où tu as gagné ton premier titre national à tout juste 20 ans en Fédérale 3. Enfin ton village et les saisons fastes de l’ASC du début des années 80. L’allégresse générale sur la place Jean Jaurès, les planchots fièrement levés, les drapeaux, les chants, les rires … Je te revois à Castenau-Magnoac au moment de soulever notre quatrième bouclier en deux ans. Tu es en larmes, contraint d’avoir assisté à la rencontre depuis les tribunes parce qu’un abruti contre Bagnols-sur-Cèze, venu lâchement en travers, t’avait fracturé la mâchoire d’un coup de coude, te privant de la finale.
Mais jouer ne t’a pas suffi. Avec Didier, ton « plus que frère », vous avez guidé magnifiquement les cadets du club à la fin des années 80. Quasiment à la même période nous nous sommes retrouvés à nouveau côte à côte pour une autre forme de jeu. Ce n’était pas sur la pelouse. Nous avions cette fois, troqué la tunique bleue pour la tenue de paysans capestanais révoltés en décembre 1851, face au coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte.
Et puis tu as passé la balle à tes fils Damien et Mathias. Nous savons tous ta fierté de leur avoir permis avec Brigitte, de devenir des joueurs très talentueux mais aussi des hommes bien éduqués et responsables. Depuis quelque temps tu suivais de très près Félix avec le regard d’un grand-père, véritable conseiller technique attentif à ses progrès ballon en mains. Tu savais bien entendu partager équitablement ton immense amour pour vos quatre pichous : Sacha dont tu m’as dit un jour qu’il avait déjà la sensibilité d’un artiste. Louise et Ella vos deux perles.
Et comme si tes nombreux partages au rugby ne t’avaient pas comblé tu as été une des chevilles ouvrières des fêtes du rugby qui ont permis tout récemment à des générations d’anciens de se retrouver dans un long feu d’artifices d’anecdotes qui a inondé la place des heures durant. IL FAUDRAIT QUE CES JOURNEES PERDURENT... A TON NOM ! Ce qui plane au-dessus de nous depuis dimanche, c’est ton visage fendu de manière permanente d’un large sourire. Il révélait une générosité extraordinaire, une façon non feinte de communiquer avec amabilité et gentillesse.
Gilles, tu resteras, nous en sommes convaincus, un modèle pour les tiens. Tes anciens partenaires de l’ovale, eux, vont longtemps te voir passer, recevoir, passer, donner, offrir… Cette simple action de jeu que tu maîtrisais tellement bien, si symbolique du partage.
En fait Gilles, je crois qu’au centre de l’attaque des Bleus et Blancs il va y avoir désormais un énorme espace vide.
Adiu lo Tretze !
Gilles en 1983, au côté de son capitaine soulevant le "planchot", tous radieux en cette soirée de finale du 5 juin après la victoire contre Rion-des-Landes